Le grand ras-le-bol du Premier ministre : sa lettre ouverte aux Belges, c’est une bombe !
Didier Swysen
Alexander De Croo écrit aux Belges.Photonews
Alexander De Croo publie dans votre journal de ce samedi (page 9) une lettre ouverte qui se veut un électrochoc pour la classe politique… mais qui risque surtout de ne pas plaire à tous ses partenaires de majorité. Décryptage.
Flash-back sur ces derniers jours.
Mardi soir, la mort dans l’âme, le Premier ministre entérinait l’échec des négociations sur la réforme fiscale : « J’ai dû constater que parvenir à un accord n’était pas possible sans impacter significativement la situation budgétaire », disait Alexander De Croo. Jeudi, à la Chambre, il ajoutait «qu’il aurait préféré vous (aux députés, NdlR) présenter ici un accord fiscal, mais pas au détriment de ceux qui devront travailler demain ». Malgré des semaines difficiles, il confirmait vouloir continuer à travailler au sein du gouvernement.
Pas d’interview, mais une lettre ouverte… dans laquelle la rédaction de votre journal n’est pas impliquée.
Nous avons été en contact avec le cabinet du Premier ministre, dès mercredi, sollicitant une interview, à la suite de ces semaines très spéciales où il aura eu le plaisir d’engranger un deal avec Engie sur la prolongation de deux réacteurs nucléaires, ainsi qu’un accord sur les pensions. Même si ça s’est terminé sur une note négative avec le non-accord sur la réforme fiscale. Alexander De Croo a finalement décliné… Mais il est quand même dans votre journal ce samedi
(visiblement le seul journal francophone sollicité) ainsi que dans des médias néerlandophones avec une lettre ouverte aux Belges qui ne passera pas inaperçue. Ce n’est donc en rien, insistons, une initiative de la rédaction.
Les passages les plus forts de sa lettre ouverte.
Vous pouvez la lire en page 9. Il y évoque les « chamailleries entre responsables politiques qui préfèrent la confrontation à la coopération » ou ces dernières années marquées par un manque de jeu collectif, avec « des politiques qui se plaignent au lieu de proposer des solutions et préfèrent le clash au dialogue. » – «La classe politique est parfois si préoccupée par elle-même qu’elle en oublie les gens et les causes qu’elle doit servir (…) Si nous voulons un pays meilleur, la politique doit elle aussi se réinventer… »
Et encore ceci qui ne fera sans doute pas plaisir à tous ses partenaires de majorité : «Nous avons besoin d’hommes et de femmes responsables qui se montrent à la hauteur de la population de ce pays. Aussi forts qu’elle (…) Au lieu de nous renvoyer constamment la faute de part et d’autre de la frontière
linguistique, nous devons bâtir des ponts… » Avant cette conclusion : « La seule promesse que je tiens à vous faire (aux Belges donc, NdlR) est celle-ci :
je comprends vos préoccupations et je compte travailler sans relâche avec ceux qui le souhaitent pour une politique meilleure, la politique
que vous méritez ». Signé simplement : Alexander.
Une publication qui résulte de l’échec de la réforme fiscale ?
On pourrait le croire, mais son porte-parole le dément. «Cela faisait un certain temps que le Premier ministre pensait à ce texte, déjà prêt avant l’échec de la réforme fiscale qui n’a fait que confirmer sa réflexion globale nourrie au cours des derniers mois. Avec ces questions importantes pour lui : dans quel monde vivons-nous ? Que sommes-nous en train de faire ? On cherchait le moment pour la publier, on s’était dit qu’on le ferait après avoir réglé les dossiers en juillet. »
Pour son porte-parole, cette lettre, c’est ce que pense l’homme De Croo avant le Premier ministre. «Elle est le reflet de ce qu’il est, de ce qu’il pense. On l’a défini comme un superman qui vole de dossier en dossier, aussi, à l’international, avec la guerre en Ukraine. Mais ça reste quelqu’un qui a ses failles et ses interrogations. Son moteur, c’est de bien faire les choses et il déteste le conflit, il le dénonce. »
Un électrochoc qui risque de faire l’effet d’une bombe.
On peut parler d’électrochoc et le porte-parole du Premier admet que l’initiative casse les codes et risque de secouer. «La remise en question doit être générale. Si l’on ne change pas notre manière de faire d’ici les élections de 2024, on va droit au casse-pipe », conclut-il.
Ce n’est pas le Premier, mais Alexander qui signe… et qui paie. Un petit parfum électoral ?
Un casse-pipe électoral de 2024 qui concerne, par exemple, le CD&V…et l’Open VLD, le parti du Premier ministre, qu’Alexander De Croo incarne plus que jamais depuis la démission d’Egbert Lachaert de saprésidence. En 2024, les libéraux flamands miseront tout sur lui et ça n’a pas échappé au politologue Pascal Delwit (ULB). « C’est surtout une façon pour l’Open VLD de se positionner en Flandre, en vue des élections. Il vise aussi la N-VA, son principal adversaire électoral en Flandre ou le Belang. C’est donc bien une sorte de cadrage électoral. »
Précisons que cette publication est bien de la publicité (c’est indiqué dans le coin supérieur droit). Pub payée par M. De Croo et visiblement aussi par son parti (donc pas par la chancellerie du Premier ministre, précision importante).
« Je pense que l’initiative risque de fâcher ses partenaires », poursuit Pascal Delwit. «Le document met quand même en cause, d’une certaine manière, les
partenaires du gouvernement. Lui refuse les conflits, ça sous-entend que ce n’est pas le cas des autres. C’est surprenant de la part d’un Premier ministre qui doit veiller à l’unité de son gouvernement. »
L’expert va plus loin. «La démarche ne s’inscrit pas dans une continuité. Rappelons qu’Alexander De Croo a fait chuter le gouvernement Leterme en 2010 (certains faisaient remarquer en début de législature que son passage par la Coopération au développement (gouvernement Michel) avait changé sa façon de voir les choses, NdlR) et, plus récemment, il y a eu son discours du 1 er mai, digne d’un leader de la droite flamande, loin du ton de cette lettre ouverte. Quant à cet engagement qu’il lance alors que plus rien de grandiose ne se passera sans doute au gouvernement, c’est un engagement qui n’engage à rien… »
Le politologue de l’ULB trouve que ça donne un peu le sentiment que l’Open VLD ne sait plus quoi faire pour exister. «Je ne pense pas que ça va faire beaucoup parler, surtout pas en Wallonie, vu que cela vise avant tout le spectre politique flamand et que c’est lancé au moment où les politiques comme les Belges partent en vacances. Cela aurait eu plus de force à la rentrée parlementaire. »
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